« Se rappeler ses ailes…
Et s’envoler.
L’oiseau migrateur est passé. Dans le bleu du ciel il a gravé fièrement son V.
Dans les rues de Bayonne jusqu’aux sommets de la Rhune, d’un joyeux piaillement, il s’était annoncé :
“Le froid est là, mais il ne me prendra pas ! Car je suis libre. Et j’ai choisi ! La douceur est mon guide.”
Je l’observe fasciné, résolu dans son vol. J’écoute son tintement joyeux et familier. Je ressens sa puissance et je me prends à rêver…
Être un oiseau migrateur. Avec pour seule boussole la douceur.
Quand je me sens petit oiseau fragile et insouciant. Picorant quelques graines dispersées par le vent. Observateur inutile d’un monde trop violent. Quand je me sens fébrile au milieu des géants des villes. Et mon cœur trop rapide pour cette vie qui m’abîme. Quand le givre me pique sous le duvet, jusqu’à mes rêves menacés.
Me rappeler mes ailes…
Elles m’enveloppent de chaleur. Et me protègent. Des gouttes de pluie. Des peurs et de l’ennui. Elles les laissent glisser, sans jamais m’éclabousser. Mettent mes souhaits à l’abri, sous la chaleur de ma plume.
Me rappeler mes ailes…
Et les déployer. Sentir dans mon dos leur portée. Vibrantes et puissantes, bien ancrées. Mesurer leur amplitude. Me souvenir les ressources et les succès. Les tempêtes affrontées, les vents qui m’ont ballotté, sans jamais me faire flancher. Et brusquement se redresser.
Être un oiseau migrateur. Avec pour seule boussole la douceur.
Où qu’elle se cache je saurai la trouver. La savourer. La ramener. La diffuser.
Se rappeler ses ailes.
Les choix. Les ressources. La liberté. L’essentiel.
Et s’envoler.
Se lancer dans le vide et l’immensité. Se savoir bien équipé. Fier oiseau migrateur. Cœur courageux et vaillant. Fin plumage éclairant les nuages et capable de traverser des océans. La douceur pour guide. Prendre de l’élan, savourant les délices du vent dans les ailes. Voir le monde de plus haut. Plein de promesses. Un nouveau regard. Déjà l’air est plus chaud. L’horizon s’offre, plus beau.
Je suis libre. La douceur pour guide. Et j’ai des ailes. Je m’en rappelle! Je les sens. Pour voler. Vers demain. Même au-dessus des orages et jusqu’aux plus belles des plages. Retrouver la chaleur, la douceur, le soleil et vibrer son abondance. Et bientôt, la ramener avec soi. De nos voyages, intérieurs. Toi et moi. Et la partager. Tous ensemble. Avec bonheur. Rayonnants. Dans un grand V célébrant le retour du printemps. Ses promesses et ses soirs chantants…
Qu’il est bon d’être un oiseau migrateur ! Heureux habitants d’une éternelle douceur. Et de se rappeler ses ailes. «
L’Heureuscope du dimanche par Fanny Julien-Laferrière